Les nouvelles technologies dans l’enseignement de l’arabe
L’Académie de Strasbourg est pionnière dans les lycées professionnels

KUSSAIBI Nazih
Agrégé et coordonnateur d’arabe au CRDP d’Alsace



L’utilité des nouveaux moyens technologiques mis en œuvre pour enseigner une langue étrangère (cédérom, Internet...) est avéré : autonomie, travail interactif, motivation évidente et application quotidienne et indiscutable de la pédagogie différenciée.
Mais l’apport spécifique de nouvelles technologies est, sans aucune mesure, considérable pour une langue de faible diffusion comme l’arabe (pour ne pas utiliser l’expression de « langue rare » alors qu’elle parlée par plus de 260 millions de personnes!)

Ô combien sont nombreux, et heureusement, les moteurs de recherche sur la langue et la culture arabes. Le site de l’académie de Versailles donne une panoplie très intéressante en faisant le lien vers ces moteurs www.ac-versailles.fr/pedagogi/langue-arabe/SITESARABES.HTM , d’autres sites sont mentionnés dans celui du CRDP de d’Alsace.


Dans le domaine culturel, les différents sites proposés sur Internet en arabe ou sur le monde arabe effacent les distances et nous mettent en liaison directe avec des aspects civilisationnels de ce vaste monde utilisables immédiatement en cours de langue : des images de Fès ou de Damas à titre d’exemple, nous permettent de décrire des documents iconographiques d’un pays arabe dans sa réalité vivante et présente. Si l’on devait parler de l’histoire d’Idris II, qui fonda Fès en 809, et des Marînides (XIIIe-XVe siècles) qui ont fait de cette ville leur capitale, il faudrait donner des images contemporaines et réelles de Fès, ce qui peut nous aider à parler de l’histoire des bâtisseurs de la ville.
Ainsi, une vue de la mosquée des Umayyades à Damas, nous donne l’occasion à loisir d’analyser le rôle des Umayyades( 650 à 750) dans l’histoire des Arabes . Nous évitons ainsi un problème lié à la notion de la « culture arabe ». S’agit-il de celle du passé ou du présent ? Si nous considérions le passé comme la seule référence - le présent n’étant pas « brillant »- l’apprenant constaterait que la culture arabe est liée au passé qui s’est achevé et que, par conséquent, il s’agit d’une culture morte qui n’a plus d’intérêt !

Aussi, trouvons-nous les clés, voire les entrées adéquates pour évoquer le passé et le présent. Un sujet tel que les fêtes, peut être réalisé par le biais des sites sur la musique arabe : des chansons en arabe sur Noël (des chansons en dialectes libanais ou égyptien), ce qui donne l’occasion de connaître un autre dialecte que celui du Maghreb et de savoir ainsi que les Arabes ne sont pas tous musulmans et les musulmans ne sont pas tous arabes. D’autres entrées sont possibles : par le tourisme, par la géographie... La meilleure façon d’aborder la culture arabe, nous semble-t-il, est de le faire par le biais des éléments de la vie actuelle à travers l’Internet.

D’autres pistes d’entrée sont intéressantes à évoquer, surtout celles liant la culture arabe à la culture française: à titre d’exemple les fables arabes et les fables de La Fontaine, les mots d’origine arabe en français, lexique thématique professionnel français-arabe : d’où l’intérêt de la création de pages Web sur le site Internet de l’académie de Strasbourg, sous l’égide de Mme TAHHAN Brigitte IPR-IA d’arabe.

L’académie de Strasbourg joue un rôle pionnier dans le domaine de l’enseignement de l’arabe aux élèves des lycées professionnels. Elle est en effet la seule, en France, à offrir la possibilité de poursuivre l’étude de l’arabe en LV1 et LV2 à tous les élèves des sections professionnelles industrielles et tertiaires. Cet enseignement est appelé à se développer dans les autres académies, comme en témoignent, d’une part, la publication de programmes de langue arabe destinés aux élèves de BEP et, d’autre part, la création d’un concours de recrutement de PLP2 lettres/arabe. Nous avons donc jugé utile qu’elle fasse connaître son avance dans ce domaine par la mise au point de documents bilingues pour l’enseignement de l’arabe au niveau des BEP, baccalauréats professionnels et BTS.

Le monde arabe est en effet un partenaire important de la France, sur le plan commercial et industriel. Ce partenariat est appelé à évoluer et il est vital pour notre pays de préparer les jeunes à des échanges qui se feront de plus en plus en arabe, qu’il s’agisse du Maghreb ou du Proche-Orient. Or les enseignants qui travaillent dans ce domaine constatent que les outils à leur disposition sont destinés à des spécialistes (traducteurs techniques, interprètes de conférences) et qu’il manque des documents pouvant être directement utilisés en classe.
Afin de pallier cette carence, nous avons proposé la constitution d’une banque de données, diffusée sous forme de pages Web, afin de pouvoir être régulièrement actualisée et consultable pour et par tous les intéressés (enseignants, élèves, étudiants).

  Ce travail comporterait au moins trois volets :

1- diffusion des sujets des examens professionnels (CAP, BEP, voire BTS) des dernières années pour lesquels il n’existe pas d’annales;
2- mise au point et diffusion après expérimentation d’un lexique bilingue commun à l’ensemble du monde socioprofessionnel, et d’un lexique bilingue ou trilingue par spécialités;
3- choix et diffusion de textes adaptés à chaque niveau et à chaque spécialité.

Ce travail doit prendre appui sur l’usage en vigueur dans les pays arabes : outre un inventaire des ouvrages existants, une étude du lexique utilisé dans des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Syrie et la Tunisie constitue un passage obligé.


  Du pasteur au passeur


La recherche de documents authentiques sonores et écrits (radio, presse) actuels et en direct sur le monde arabe, est résolu grâce aux différents sites proposés. Le professeur d’arabe ne souffre plus de l’inexistence de journaux en caractères arabes à côté de son lieu de résidence ou de son établissement scolaire. Il apporte des documents « frais » avec un grille de travail; son cours devient attrayant et stimulant : une information pourrait être complétée ou contredite par d’autres journaux avec d’autres arguments à chercher ou à développer par l’élève...
Ainsi le professeur de langue ne joue plus le rôle du « pasteur mais devient un passeur ». Toutefois, la vigilance du professeur deviendra primordiale devant des sites minés par le cultuel !
En outre, l’Internet peut être utilisé en classe pour que les élèves communiquent avec ceux d’autres établissements en France et dans le monde arabe. Il faut savoir que, d’après les statistiques, le nombre des foyers utilisant l’Internet dans ces pays est supérieur à celui existant en Europe. Si un pays arabe n’a pas encore généralisé l’usage des multimédias, cela n’implique pas que les autres soient dans ce cas.
Enfin, la création de pages web en langue arabe ou en bilingue évite le problème de coût d’édition, vu le nombre limité de tirage par rapport aux langues omniprésentes comme l’anglais.


KUSSAIBI Nazih


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