La recherche en didactologie des langues et cultures, méta-discours
sur la didactique, se doit de justifier en permanence sa démarche.
Ce document propose une réflexion sur les critères de
scientificité de cette discipline.
Les sciences humaines et les sciences de la nature
Loin d’être une sorte d’instantané significatif
de ce que nous percevons, la vision du monde qu’ont élaborée
et que continuent (parfois) de perpétuer les sciences de la
nature n’est en fait qu’une représentation particulière.
Parce qu’elles ne font que refléter ce qui s’est
effectivement produit à l’intérieur d’un
processus historiquement donné, les disciplines empirico-formelles
ne nous offrent qu’une configuration parmi d’autres de
ce qui est susceptible de caractériser une connaissance scientifique.
A terme, ce qui est fondamental, ce n’est pas tant le résultat
auquel on est parvenu, l’idée de scientificité,
mais la nature du processus autorisant une telle référence.
Au delà de ce qui a fait ses preuves dans les domaines tels
que les techniques de modélisation, le statut des termes théoriques,
les procédures d’observation et de contrôle, il
faut noter que dans chaque discipline des exigences particulières,
dictées par la nature du problème étudié ne
manqueront pas de se manifester. Puisque nous sommes confrontés
non plus à un simple pouvoir d’enregistrement, mais à une
véritable dynamique intégratrice, il n’est plus
possible d’élaborer une méthodologie des sciences
didactiques en prenant pour norme directrice une idée de scientificité déjà constituée.
La didactologie (terme de Robert Galisson) s’oppose à d’autres
sciences, telles que la physique, parce qu’elle est déchirée,
c'est-à-dire traversée de contradictions, mais surtout
parce que les chercheurs baignent dans l’objet même qu’ils
cherchent à connaître – les relations didactiques.
Ce qui est aussi indispensable, vu la complexité du champ, l’impossibilité de
prendre en compte consciemment toutes les variables et d’en isoler
totalement certaines. Comme pour la sociologie et l’ethnologie,
les critères de scientificité de la didactologie émergent
progressivement à travers l’effort quotidien par lesquels
elle tente de se construire elle-même. Il appartient donc aux
praticiens-chercheurs concernés d’édifier pas à pas
l’approche théorique la mieux adaptée aux caractéristiques
et aux propriétés de leur propre champ d’investigation.
Dans une discipline aussi récente que la didactologie des langues
où les réussites significatives sont l’exception
et où aucun paradigme ne domine vraiment, la recherche tire
profit de toutes les potentialités dont elle dispose. Elle fait
preuve d’une très grandes prudence au niveau des méthodes
et des instruments utilisés, s’inspirant de ceux auxquels
ont recours les sciences apparentées (la psychologie clinique ?)
afin d’approcher le mieux possible les différentes modalités à partir
desquelles se révèle et se précise de plus en
plus une figure originale de scientificité. Un tel projet confère à la
modélisation une place essentielle.
Le mirage du réel
Sachant qu’il n’est guère possible de construire
une image du réel (de la réalité de la classe)
telle que le raisonnement puisse ensuite l’utiliser à l’état
brut, le didactologue n’oublie pas que l’exigence rationnelle
se fait jour dès le stade initial de l’observation. Dans
la mesure où les soucis de gestion de la classe tendent à mobiliser
chaque jour davantage l’énergie des praticiens-chercheurs,
la distance critique vis-à-vis des démarches suivies
apparaît de plus en plus élimée. Le risque est
grand de ne pas apprécier à sa juste valeur la signification
des informations recueillies et des produire ainsi des résultats
sans grand intérêt. Cette attirance pour ce qui n’est
qu’une vaine praxéologie apparaît dans certaines
publications. Pour être efficace, le didactologue doit posséder
des nomenclatures susceptibles de fournir un découpage adéquat
de chaque problème didactique. Il devient donc essentiel de
concevoir la définition des unités didactiques (« objets
méthodologiques » selon Puren, « didactèmes » selon
Germain), des catégories et des concepts généraux
qui permettent de classer les faits qui relèvent de la didactologie
(ou : du didactique).
Le rapport au réel de la classe
Dès que la science prend certaines distances vis-à-vis
de son acte propre pour tenter d’en dégager les présupposés
et les implications, une question très délicate se pose
au sujet des interactions entre la recherche scientifique et le réel
de la classe : le concret, le perçu, le vécu. Cela
amène les observations suivantes :
-le fait didactique n’est pas une chose en soi ou un ensemble
de données, il est au cœur de la réalité de
la classe, avec toutes ses composantes humaines.
-s’il y a mise à l’épreuve de théories
rivales, élimination de celles qui résistent moins bien
aux procédures de vérification et par moments restructuration
d’ensemble de tout le champ théorique, la démarche
scientifique est nécessairement plurielle, discontinue et sans
fin. Il est en effet illusoire de penser que nous puissions accéder à la
complexité du réel en tant que tel. Observons aussi que
certains paradigmes (le communicationnel ou l’interlangue, etc.)
apparaissent à la fois incertains (nombreux contre-exemples)
imprécis (le communicationnel est difficile à définir)
et cependant d’un point de vue heuristique utiles (en raison
même de leur pouvoir explicatif).
-Lorsque les schémas d’intelligibilité – les
modèles - sont interprétés comme ils doivent l’être,
c'est-à-dire de manière formelle (en classifiant et en
conceptualisant) et non pas réaliste, ils constituent des références
indispensables à la compréhension de nombreux phénomènes.
Mais certaines dérives ne sont pas à exclure. Démenties
par les faits ou rendues caduques par des développements ultérieurs,
de semblables attitudes posent problème. De nouveau, et pour
reprendre certains propos de Simmel « se trouve révélé un
point essentiel, à savoir que la connaissance doit s’imposer
des règles pour traiter la réalité à laquelle
elle s’intéresse ; réciproquement, est démentie
de la manière la plus expresse la conception selon laquelle
la connaissance serait une simple copie de la réalité ».
Polysémie de la réalité
Une même réalité (une situation de classe, par
exemple) peut donner lieu à des interprétations différentes,
selon la position du chercheur qui dépend de son statut et de
son degré d’implication. Les rapports qu’entretient
le didactologue avec d’autres champs du savoir (linguistique
et psychologie par exemple) sont souvent caractérisés
par un grande ambivalence. Une première lecture tend à privilégier
les rapports de surface, c'est-à-dire l’étendue
du domaine d’investigation couvert par chaque discipline. A ce
niveau, la didactologie l’emporte sans conteste : linguistique
et psychologie ne sont que des disciplines auxiliaires, des prestataires
de service.
De la contradiction au changement de théorie
Dans toutes les sciences, un paradigme constitué fonctionne efficacement
sur une certaine durée, jusqu’à ce qu’apparaissent
de plus en plus de difficultés. Celles-ci peuvent prendre la forme de
contradictions imprévues ou se situer dans les zones de contact entre
langage théorique et langage des observations (catégories et
répertoires évoqués ci-dessus). C’est le cas ces
temps-ci avec l’arrivée de la vidéo et des TICE dans le
quotidien des enseignants, outils qui remettent en question un siècle
de méthodologie dans la classe de langue et la conception même
du rôle de l’enseignant. Lorsqu’une telle situation se produit,
un remaniement plus ou moins profond est à prévoir. Plusieurs
stratégies sont envisageables. De manière générale,
il convient de préserver autant que possible le noyau central de la
théorie incriminée (transmission du savoir par l’enseignant).
Les modifications retenues porteront sur des couches périphériques
jusqu’à ce qu’apparaisse une nouvelle théorie qui
rendra compte d’un plus grand nombre de faits dans l’enseignement/
apprentissage des langues.
En didactologie des langues et cultures, on est cependant en droit de se demander
si les théories précédentes (appelées souvent « approches ») étaient
dépassées au point d’en demander de nouvelles. Au lieu
de faire table rase des théories en vigueur, il serait judicieux de
conserver les descriptions valides des systèmes précédents.
Les nouvelles théories rendent compte en effet des dernières
innovations qui s’ajoutent aux pratiques existantes sans prétendre
les remplacer. Toutefois, il faudra rester attentif au fait que certaines innovations
peuvent entraîner des changements de paradigmes qui remettent en question
imperceptiblement les fondements du système.
Complexité des connaissances et impossibilité de la
vérification
Soulignons encore la spécificité des sciences humaines
vis-à-vis des procédures de vérification empirique.
Dans bien des cas, les modélisations restent fortement « insularisées » par
rapport au réel : les possibilités techniques de
réfutation ne peuvent jouer à plein dans la mesure où les
variations (variables) susceptibles d’influencer les phénomènes étudiés
sont trop nombreuses et trop disparates pour être répertoriées à l’avance.
Si bien que la non-vérification d’une proposition n’implique
pas forcément son rejet. Elle est susceptible d’être
imputée à l’intervention de facteurs extérieur,
d’où la résistance des didactologues à l’égard
du bouleversement de leurs cadres de référence.
La vérification (falsification) d’une construction scientifique
procède d’une confrontation entre ses inférences
théoriques et les observations du monde réel. Or, on
ne peut guère transporter le même appareil interprétatif
dans des contextes différents (trop de facteurs évoluent
d’une expérience à l’autre). Les théories
ne peuvent être infirmées ni confirmées. En didactologie,
nous ne travaillons jamais ‘à contexte invariant’ ;
les observations mobilisées pour vérifier une théorie
sont le produit de facteurs qui ne sont probablement pas ceux dont
la théorie voulait en son temps rendre compte (dans un contexte
inévitablement différent). Les analogies et les transferts
de sciences annexes ne sauraient étayer les scénarios
interprétatifs d’une science donnée. Poussée à l’extrême,
cette argumentation aboutit à des positions pluralistes et relativistes
où la spécificité des chercheurs ’professionnels’ risque
fort de disparaître. La parade est bien connue : remplacer
la validation empirique par une valorisation institutionnelle, fondée
sur les jugements des pairs dans la communauté savante intéressée.
Les scénarios les plus ‘scientifiques’ étant
ceux que les experts tiennent pour tels, ici et maintenant. Le célèbre ‘cercle
herméneutique’ est une façon de rationaliser ce
point de vue ; la thèse ‘des fondements sociaux de
toutes choses’ en est une autre.
Le dépassement s’effectue donc non pas en rupture complète
avec ce qui précédait, mais au sein d’un système
conceptuel ayant déjà fait ses preuves et en conformité avec
les principes fondamentaux qui y sont inscrits. Les problèmes
peuvent être formulés et résolus à l’aide
de ressources propres, soit que ces ressources préexistent,
soit que la théorie puisse fournir les moyens nécessaires à leur
production. On reviendra sur les circonstances de l’expérimentation,
ou l’on modifiera les hypothèses. Si cela ne suffit pas,
il faudra procéder à de sérieux remaniements.
Lorsqu’il s’agit d’élaborer une éthique
du métier d’enseignant et un langage commun aux chercheurs
en didactologie, le recours à certaines techniques d’investigation
s’imposera. Parmi celle-ci, on signalera l’importance des
principes de conservation de négligeabilité et de plus
ample informé (ne passer au méta que si nécessaire,
etc. cf. E. Morin, ci-dessous).
En résumé :
1- Les caractéristiques de l’action didactique collective
ne sont que très rarement des données naturelles qui
surgiraient spontanément et dont l’existence irait de
soi. Il y a toujours une intentionnalité.
2- Les relations entre les individus et le groupe-classe, entre la
personne et le milieu méritent un examen approfondi en raison
de leur complexité. Dans la plupart des cas, les régulations
qui s’y manifestent n’obéissent ni à un scénario
préétabli ni à une théorie toute faite.
Leur validité n’est que locale et ne se réfère
qu’à un contexte précis.
3- La réalité tolère mal (et
sanctionne) les simplifications abusives ou les rapprochements trop
hasardeux. Elle attire l’attention
sur la fragilité des paradigmes réductionnistes (prétendre
qu’on apprend parce qu’on communique, ou qu’on fait
une actions dans la langue étrangère, relève de
la pensée magique) et oppose de nombreux démentis aux
certitudes les mieux établies. Il importe donc au moment où l’on
jette les bases d’un modèle, puis lorsqu’on en développe
les propriétés, de s’assurer à chaque pas
de la pertinence des termes et des symboles utilisés. Donc se
méfier des concepts ‘qui peuvent tout expliquer’ :
triangle pédagogique, communication, centration sur l’apprenant …,
car ils font déformer certains phénomènes pour
les adapter de force aux interprétations retenues.
4- Les choix méthodologiques, n’étant pas posés
les uns après les autres, forment système, c'est-à-dire
appellent des retours constants et des interpénétrations
réciproques entre les divers pôles de la recherche, même
si la division sociotechnique du travail et la professionnalisation
du chercheur inclinent trop souvent vers des automatismes administratifs
du type bureaucratique où « tout concourt à favoriser
la dichotomie entre l’empirisme aveugle et la théorie
sans contrôle».
NECESSITE DE LA MULTIREFERENCE
1) Aucune science ne peut être, à elle seule, la référence
en didactique
L’enseignement des langues dans le cadre scolaire connaît
un foisonnement des méthodes parmi lesquelles il est souvent
difficile de choisir. Leurs contours sont flous, leur efficacité incertaine.
Il est de plus en plus nécessaire à l’enseignant
de posséder, à côté d’une connaissance
approfondie de sa discipline, la langue et la culture qu’il s’agit
d’enseigner, un ensemble de connaissances théoriques et
pratiques qui lui permettront de mettre en œuvre la pédagogie
la mieux adaptée au public qui lui est confié :
connaissances psychologiques et sociologiques, mais surtout connaissances
didactiques. Et l’enseignant expert possédera de plus
des savoir-faire très développés qu’il maintiendra
sous les éclairages théoriques les plus divers, les associant à une
constante réflexion sur les pratiques.
Placé en équilibre sur une corde raide, attiré d’un
côté par l’abîme des savoirs en constante évolution
ayant trait à la langue et à la culture qu’il enseigne,
contraint, de l’autre côté, de motiver les élèves
et pour ce faire de sélectionner de manière structurée
les savoirs nécessaires à la progression des apprentissages,
l’enseignant avance dans l’incertain des relations humaines
avec les apprenants en recourant à toutes les ressources didactiques
qui captivent chacun dans la classe et rendent possible l’apprentissage
et la formation générale.
Mission impossible ? Dans l’absolu, certes. Mais ce qui
le fera avancer, c’est sa mission, et le guidage éthique
de l’action enseignante.
L’application à l’enseignement de théories
liées à la description de la langue a mené à de
lourds échecs. Le recours aux arbres syntagmatiques pour l’explication
de la syntaxe a, certes, un intérêt heuristique pour qui
possède la langue et veut en approfondir la description, mais
a conduit à des situations d’impasse pour ceux qui apprenaient
cette langue. C’est dire que les savoirs enseignants sont infiniment
plus vastes et variés que les savoirs linguistiques. Illustrons
encore notre propos par un exemple tiré d’un autre domaine.
Le recours à l’image fixe ou mobile dans la classe de
langue ne demandera pas tant de solides connaissances de la sémiotique
de l’image et du langage cinématographique que des savoir-faire
didactiques qui captent l’attention des élèves,
les font utiliser et réutiliser la langue, apprendre de nouveaux
faits de langue et approfondir sa réflexion sur le langage.
La sémantique de l’image viendra en aide au professeur
lors du travail d’interprétation.
Notre recherche se situe dans le domaine des savoir-faire didactiques,
alors même que nous ne nions pas l’importance des connaissances
linguistiques, civilisationnelles, sociologiques et psychologiques
que doit posséder tout enseignant de langues. Notre préoccupation
reste l’alchimie à laquelle il a recours pour rendre efficace
l’apprentissage des langues et cultures dans un contexte de formation
générale.
2) La DLC possède ses propres schémas (outils) de recherche
Si beaucoup d’aspects de l’enseignement/apprentissage des
langues restent mystérieux, la recherche en didactique qui s’appuie
sur l’observation du travail des enseignants et du fonctionnement
des classes a permis d’élaguer et de creuser les premiers
sillons.
Les expérimentations dans les classes, les innovations réfléchies
et les recherches-actions amènent les enseignants à mettre
en œuvre des conceptions de l’enseignement/ apprentissage
des langues qui répondent mieux à la réalité des
classes d’aujourd’hui. Les fruits de ce travail d’ingénierie
didactique, effectué en équipes pédagogiques,
dans une qualité constamment vérifiée par des
aller-retours avec les pratiques de classe, constitue la base d’une
réflexion sur les méthodes. C’est cette réflexion
qui a été et qui est encore l’objet de notre recherche,
et constitue notre corpus.
La présentation aux autres enseignants des dispositifs mis en
place pour l’exploitation de films dans les livrets pédagogiques
(analysés dans la thèse), par exemple, a été pour
les auteurs un moment clé de la formulation des théories
didactiques qu’ils défendaient. Nous pensons qu’il
s’agit là d’un premier niveau de réflexion
didactologique (celui que C. Puren appelait ‘la méthode’).
Elle possède des qualités scientifiques indéniables
dans la mesure où elle s’appuie sur des pratiques longuement
réfléchies, éprouvées par des enseignants
divers dans des classes aux profils très variés, sans
cesse remises en cause et améliorées, et publiées
quand elles donnent pleinement satisfaction.
La réflexion de second niveau concerne la manipulation des concepts
et, au-delà, des méthodologies constituées. Elle
s’appuie sur des schémas de théorisation repris
aux différentes méthodologies. A ce stade, on peut craindre
une certaine confusion. En effet, selon la référence
méthodologique que l’on prendra, la même activité de
classe – un exercice structural par exemple – sera interprétée
comme une activité stérile (selon la théorie communicationnelle)
ou un passage obligé de la formation linguistique (méthode
structurale). Une certaine objectivité sera atteinte si, d’une
part, la référence méthodologique est explicitée,
et d’autre part si elle est mise en perspective par d’autres
types de référence tels que la psycholinguistique, la
psychologie de l’apprentissage, etc., appelées à la
rescousse non pour imposer un point de vue unique, mais pour fournir
des aides à la compréhension des phénomènes étudiés.
Pour reprendre l’exemple des exercices structuraux, nous dirons
que l’appel à la psycholinguistique révélera
la nécessité de la répétition pour mémoriser
les mots et expressions de la langue étrangère. Mais
cette mémorisation doit faire sens. L’apprenant doit comprendre
précisément ce qu’il répète dans
une variété de contextes qui lui sont familiers. A cette étape
intervient un troisième moment d’interprétation.
C’est la possibilité pour l’élève, à travers
l’exercice structural, de construire sa connaissance du fonctionnement
de la langue étrangère, et de coupler celle-ci à un
savoir-faire automatisé. Pour cela il met en jeu une interactivité cognitive
dont l’efficacité dépend de facteurs affectifs
individuels et sociaux.
On comprend par ce cas de figure emblématique qu’en didactique
les références théoriques sont toujours multiples
et complexes. C’est ce que nous avons appelé la multiréférencialité théorique.
A celle-ci s’oppose la multiréférencialité didactique
qui se situe au niveau de la pratique de classe et s’explique
par le recours aux objets méthodologiques (Puren), aux ‘didactèmes’ (C.
Germain) les plus divers, appelés par les besoins d’apprentissage.
La notion de multiréférencialité théorique
se situe au troisième niveau de réflexion, pour reprendre
la catégorisation de C. Puren, celui où se constitue
une théorie générale de la DLC, voire une Didactique
générale.
Reprenant la théorie de la complexité, C. Puren a montré en
quoi la didactologie des langues se constituait en science complexe,
répondant aux principes du dialogisme, de la récursivité et
de l’hologrammatisme. La notion de multiréférencialité théorique
s’inscrit pleinement dans ce cadre. Le même phénomène
de classe nécessite une pluralité d’éclaraiges
qui se recouvrent, sont causes des uns et conséquences des
autres, s’influencent mutuellement dans le sens d’un
renforcement ou d’une annihilation et contiennent chacun la
problématique
d’ensemble. Ainsi, pour reprendre toujours le même exemple,
l’exercice structural qui, selon l’approche comportementale,
est appelé à renforcer un apprentissage en favorisant
la mémorisation, sera considéré comme un obstacle à l’apprentissage
selon la théorie communicationnelle, l’approche constructiviste
intervenant à son tour pour insister sur la nécessité de
la réflexion cognitique, ce à quoi les neurolinguistes
rétorqueront que l’ancrage mémoriel prend des
voies diverses dont celle du rappel fréquent et de l’ancrage
affectif, l’affectif ouvrant cette fois la voie aux explications
psychanalytiques, sociologiques ou ethnologiques.
Alain Verreman
Président de la Régionale
de Strasbourg