Les critères de scientificité en didactologie
Alain Verreman
Président de la Régionale de Strasbourg


     

La recherche en didactologie des langues et cultures, méta-discours sur la didactique, se doit de justifier en permanence sa démarche. Ce document propose une réflexion sur les critères de scientificité de cette discipline.

Les sciences humaines et les sciences de la nature

Loin d’être une sorte d’instantané significatif de ce que nous percevons, la vision du monde qu’ont élaborée et que continuent (parfois) de perpétuer les sciences de la nature n’est en fait qu’une représentation particulière. Parce qu’elles ne font que refléter ce qui s’est effectivement produit à l’intérieur d’un processus historiquement donné, les disciplines empirico-formelles ne nous offrent qu’une configuration parmi d’autres de ce qui est susceptible de caractériser une connaissance scientifique. A terme, ce qui est fondamental, ce n’est pas tant le résultat auquel on est parvenu, l’idée de scientificité, mais la nature du processus autorisant une telle référence.

Au delà de ce qui a fait ses preuves dans les domaines tels que les techniques de modélisation, le statut des termes théoriques, les procédures d’observation et de contrôle, il faut noter que dans chaque discipline des exigences particulières, dictées par la nature du problème étudié ne manqueront pas de se manifester. Puisque nous sommes confrontés non plus à un simple pouvoir d’enregistrement, mais à une véritable dynamique intégratrice, il n’est plus possible d’élaborer une méthodologie des sciences didactiques en prenant pour norme directrice une idée de scientificité déjà constituée. La didactologie (terme de Robert Galisson) s’oppose à d’autres sciences, telles que la physique, parce qu’elle est déchirée, c'est-à-dire traversée de contradictions, mais surtout parce que les chercheurs baignent dans l’objet même qu’ils cherchent à connaître – les relations didactiques. Ce qui est aussi indispensable, vu la complexité du champ, l’impossibilité de prendre en compte consciemment toutes les variables et d’en isoler totalement certaines. Comme pour la sociologie et l’ethnologie, les critères de scientificité de la didactologie émergent progressivement à travers l’effort quotidien par lesquels elle tente de se construire elle-même. Il appartient donc aux praticiens-chercheurs concernés d’édifier pas à pas l’approche théorique la mieux adaptée aux caractéristiques et aux propriétés de leur propre champ d’investigation.

Dans une discipline aussi récente que la didactologie des langues où les réussites significatives sont l’exception et où aucun paradigme ne domine vraiment, la recherche tire profit de toutes les potentialités dont elle dispose. Elle fait preuve d’une très grandes prudence au niveau des méthodes et des instruments utilisés, s’inspirant de ceux auxquels ont recours les sciences apparentées (la psychologie clinique ?) afin d’approcher le mieux possible les différentes modalités à partir desquelles se révèle et se précise de plus en plus une figure originale de scientificité. Un tel projet confère à la modélisation une place essentielle.

Le mirage du réel

Sachant qu’il n’est guère possible de construire une image du réel (de la réalité de la classe) telle que le raisonnement puisse ensuite l’utiliser à l’état brut, le didactologue n’oublie pas que l’exigence rationnelle se fait jour dès le stade initial de l’observation. Dans la mesure où les soucis de gestion de la classe tendent à mobiliser chaque jour davantage l’énergie des praticiens-chercheurs, la distance critique vis-à-vis des démarches suivies apparaît de plus en plus élimée. Le risque est grand de ne pas apprécier à sa juste valeur la signification des informations recueillies et des produire ainsi des résultats sans grand intérêt. Cette attirance pour ce qui n’est qu’une vaine praxéologie apparaît dans certaines publications. Pour être efficace, le didactologue doit posséder des nomenclatures susceptibles de fournir un découpage adéquat de chaque problème didactique. Il devient donc essentiel de concevoir la définition des unités didactiques (« objets méthodologiques » selon Puren, « didactèmes » selon Germain), des catégories et des concepts généraux qui permettent de classer les faits qui relèvent de la didactologie (ou : du didactique).

Le rapport au réel de la classe

Dès que la science prend certaines distances vis-à-vis de son acte propre pour tenter d’en dégager les présupposés et les implications, une question très délicate se pose au sujet des interactions entre la recherche scientifique et le réel de la classe : le concret, le perçu, le vécu. Cela amène les observations suivantes :

-le fait didactique n’est pas une chose en soi ou un ensemble de données, il est au cœur de la réalité de la classe, avec toutes ses composantes humaines.

-s’il y a mise à l’épreuve de théories rivales, élimination de celles qui résistent moins bien aux procédures de vérification et par moments restructuration d’ensemble de tout le champ théorique, la démarche scientifique est nécessairement plurielle, discontinue et sans fin. Il est en effet illusoire de penser que nous puissions accéder à la complexité du réel en tant que tel. Observons aussi que certains paradigmes (le communicationnel ou l’interlangue, etc.) apparaissent à la fois incertains (nombreux contre-exemples) imprécis (le communicationnel est difficile à définir) et cependant d’un point de vue heuristique utiles (en raison même de leur pouvoir explicatif).

-Lorsque les schémas d’intelligibilité – les modèles - sont interprétés comme ils doivent l’être, c'est-à-dire de manière formelle (en classifiant et en conceptualisant) et non pas réaliste, ils constituent des références indispensables à la compréhension de nombreux phénomènes. Mais certaines dérives ne sont pas à exclure. Démenties par les faits ou rendues caduques par des développements ultérieurs, de semblables attitudes posent problème. De nouveau, et pour reprendre certains propos de Simmel « se trouve révélé un point essentiel, à savoir que la connaissance doit s’imposer des règles pour traiter la réalité à laquelle elle s’intéresse ; réciproquement, est démentie de la manière la plus expresse la conception selon laquelle la connaissance serait une simple copie de la réalité ».

Polysémie de la réalité

Une même réalité (une situation de classe, par exemple) peut donner lieu à des interprétations différentes, selon la position du chercheur qui dépend de son statut et de son degré d’implication. Les rapports qu’entretient le didactologue avec d’autres champs du savoir (linguistique et psychologie par exemple) sont souvent caractérisés par un grande ambivalence. Une première lecture tend à privilégier les rapports de surface, c'est-à-dire l’étendue du domaine d’investigation couvert par chaque discipline. A ce niveau, la didactologie l’emporte sans conteste : linguistique et psychologie ne sont que des disciplines auxiliaires, des prestataires de service.

De la contradiction au changement de théorie

Dans toutes les sciences, un paradigme constitué fonctionne efficacement sur une certaine durée, jusqu’à ce qu’apparaissent de plus en plus de difficultés. Celles-ci peuvent prendre la forme de contradictions imprévues ou se situer dans les zones de contact entre langage théorique et langage des observations (catégories et répertoires évoqués ci-dessus). C’est le cas ces temps-ci avec l’arrivée de la vidéo et des TICE dans le quotidien des enseignants, outils qui remettent en question un siècle de méthodologie dans la classe de langue et la conception même du rôle de l’enseignant. Lorsqu’une telle situation se produit, un remaniement plus ou moins profond est à prévoir. Plusieurs stratégies sont envisageables. De manière générale, il convient de préserver autant que possible le noyau central de la théorie incriminée (transmission du savoir par l’enseignant). Les modifications retenues porteront sur des couches périphériques jusqu’à ce qu’apparaisse une nouvelle théorie qui rendra compte d’un plus grand nombre de faits dans l’enseignement/ apprentissage des langues.

En didactologie des langues et cultures, on est cependant en droit de se demander si les théories précédentes (appelées souvent « approches ») étaient dépassées au point d’en demander de nouvelles. Au lieu de faire table rase des théories en vigueur, il serait judicieux de conserver les descriptions valides des systèmes précédents. Les nouvelles théories rendent compte en effet des dernières innovations qui s’ajoutent aux pratiques existantes sans prétendre les remplacer. Toutefois, il faudra rester attentif au fait que certaines innovations peuvent entraîner des changements de paradigmes qui remettent en question imperceptiblement les fondements du système.

Complexité des connaissances et impossibilité de la vérification

Soulignons encore la spécificité des sciences humaines vis-à-vis des procédures de vérification empirique. Dans bien des cas, les modélisations restent fortement « insularisées » par rapport au réel : les possibilités techniques de réfutation ne peuvent jouer à plein dans la mesure où les variations (variables) susceptibles d’influencer les phénomènes étudiés sont trop nombreuses et trop disparates pour être répertoriées à l’avance. Si bien que la non-vérification d’une proposition n’implique pas forcément son rejet. Elle est susceptible d’être imputée à l’intervention de facteurs extérieur, d’où la résistance des didactologues à l’égard du bouleversement de leurs cadres de référence.

La vérification (falsification) d’une construction scientifique procède d’une confrontation entre ses inférences théoriques et les observations du monde réel. Or, on ne peut guère transporter le même appareil interprétatif dans des contextes différents (trop de facteurs évoluent d’une expérience à l’autre). Les théories ne peuvent être infirmées ni confirmées. En didactologie, nous ne travaillons jamais ‘à contexte invariant’ ; les observations mobilisées pour vérifier une théorie sont le produit de facteurs qui ne sont probablement pas ceux dont la théorie voulait en son temps rendre compte (dans un contexte inévitablement différent). Les analogies et les transferts de sciences annexes ne sauraient étayer les scénarios interprétatifs d’une science donnée. Poussée à l’extrême, cette argumentation aboutit à des positions pluralistes et relativistes où la spécificité des chercheurs ’professionnels’ risque fort de disparaître. La parade est bien connue : remplacer la validation empirique par une valorisation institutionnelle, fondée sur les jugements des pairs dans la communauté savante intéressée. Les scénarios les plus ‘scientifiques’ étant ceux que les experts tiennent pour tels, ici et maintenant. Le célèbre ‘cercle herméneutique’ est une façon de rationaliser ce point de vue ; la thèse ‘des fondements sociaux de toutes choses’ en est une autre.

Le dépassement s’effectue donc non pas en rupture complète avec ce qui précédait, mais au sein d’un système conceptuel ayant déjà fait ses preuves et en conformité avec les principes fondamentaux qui y sont inscrits. Les problèmes peuvent être formulés et résolus à l’aide de ressources propres, soit que ces ressources préexistent, soit que la théorie puisse fournir les moyens nécessaires à leur production. On reviendra sur les circonstances de l’expérimentation, ou l’on modifiera les hypothèses. Si cela ne suffit pas, il faudra procéder à de sérieux remaniements.

Lorsqu’il s’agit d’élaborer une éthique du métier d’enseignant et un langage commun aux chercheurs en didactologie, le recours à certaines techniques d’investigation s’imposera. Parmi celle-ci, on signalera l’importance des principes de conservation de négligeabilité et de plus ample informé (ne passer au méta que si nécessaire, etc. cf. E. Morin, ci-dessous).

En résumé :

1- Les caractéristiques de l’action didactique collective ne sont que très rarement des données naturelles qui surgiraient spontanément et dont l’existence irait de soi. Il y a toujours une intentionnalité.

2- Les relations entre les individus et le groupe-classe, entre la personne et le milieu méritent un examen approfondi en raison de leur complexité. Dans la plupart des cas, les régulations qui s’y manifestent n’obéissent ni à un scénario préétabli ni à une théorie toute faite. Leur validité n’est que locale et ne se réfère qu’à un contexte précis.

3- La réalité tolère mal (et sanctionne) les simplifications abusives ou les rapprochements trop hasardeux. Elle attire l’attention sur la fragilité des paradigmes réductionnistes (prétendre qu’on apprend parce qu’on communique, ou qu’on fait une actions dans la langue étrangère, relève de la pensée magique) et oppose de nombreux démentis aux certitudes les mieux établies. Il importe donc au moment où l’on jette les bases d’un modèle, puis lorsqu’on en développe les propriétés, de s’assurer à chaque pas de la pertinence des termes et des symboles utilisés. Donc se méfier des concepts ‘qui peuvent tout expliquer’ : triangle pédagogique, communication, centration sur l’apprenant …, car ils font déformer certains phénomènes pour les adapter de force aux interprétations retenues.

4- Les choix méthodologiques, n’étant pas posés les uns après les autres, forment système, c'est-à-dire appellent des retours constants et des interpénétrations réciproques entre les divers pôles de la recherche, même si la division sociotechnique du travail et la professionnalisation du chercheur inclinent trop souvent vers des automatismes administratifs du type bureaucratique où « tout concourt à favoriser la dichotomie entre l’empirisme aveugle et la théorie sans contrôle».

NECESSITE DE LA MULTIREFERENCE

1) Aucune science ne peut être, à elle seule, la référence en didactique

L’enseignement des langues dans le cadre scolaire connaît un foisonnement des méthodes parmi lesquelles il est souvent difficile de choisir. Leurs contours sont flous, leur efficacité incertaine. Il est de plus en plus nécessaire à l’enseignant de posséder, à côté d’une connaissance approfondie de sa discipline, la langue et la culture qu’il s’agit d’enseigner, un ensemble de connaissances théoriques et pratiques qui lui permettront de mettre en œuvre la pédagogie la mieux adaptée au public qui lui est confié : connaissances psychologiques et sociologiques, mais surtout connaissances didactiques. Et l’enseignant expert possédera de plus des savoir-faire très développés qu’il maintiendra sous les éclairages théoriques les plus divers, les associant à une constante réflexion sur les pratiques.

Placé en équilibre sur une corde raide, attiré d’un côté par l’abîme des savoirs en constante évolution ayant trait à la langue et à la culture qu’il enseigne, contraint, de l’autre côté, de motiver les élèves et pour ce faire de sélectionner de manière structurée les savoirs nécessaires à la progression des apprentissages, l’enseignant avance dans l’incertain des relations humaines avec les apprenants en recourant à toutes les ressources didactiques qui captivent chacun dans la classe et rendent possible l’apprentissage et la formation générale.
Mission impossible ? Dans l’absolu, certes. Mais ce qui le fera avancer, c’est sa mission, et le guidage éthique de l’action enseignante.

L’application à l’enseignement de théories liées à la description de la langue a mené à de lourds échecs. Le recours aux arbres syntagmatiques pour l’explication de la syntaxe a, certes, un intérêt heuristique pour qui possède la langue et veut en approfondir la description, mais a conduit à des situations d’impasse pour ceux qui apprenaient cette langue. C’est dire que les savoirs enseignants sont infiniment plus vastes et variés que les savoirs linguistiques. Illustrons encore notre propos par un exemple tiré d’un autre domaine. Le recours à l’image fixe ou mobile dans la classe de langue ne demandera pas tant de solides connaissances de la sémiotique de l’image et du langage cinématographique que des savoir-faire didactiques qui captent l’attention des élèves, les font utiliser et réutiliser la langue, apprendre de nouveaux faits de langue et approfondir sa réflexion sur le langage. La sémantique de l’image viendra en aide au professeur lors du travail d’interprétation.

Notre recherche se situe dans le domaine des savoir-faire didactiques, alors même que nous ne nions pas l’importance des connaissances linguistiques, civilisationnelles, sociologiques et psychologiques que doit posséder tout enseignant de langues. Notre préoccupation reste l’alchimie à laquelle il a recours pour rendre efficace l’apprentissage des langues et cultures dans un contexte de formation générale.


2)
La DLC possède ses propres schémas (outils) de recherche

Si beaucoup d’aspects de l’enseignement/apprentissage des langues restent mystérieux, la recherche en didactique qui s’appuie sur l’observation du travail des enseignants et du fonctionnement des classes a permis d’élaguer et de creuser les premiers sillons.

Les expérimentations dans les classes, les innovations réfléchies et les recherches-actions amènent les enseignants à mettre en œuvre des conceptions de l’enseignement/ apprentissage des langues qui répondent mieux à la réalité des classes d’aujourd’hui. Les fruits de ce travail d’ingénierie didactique, effectué en équipes pédagogiques, dans une qualité constamment vérifiée par des aller-retours avec les pratiques de classe, constitue la base d’une réflexion sur les méthodes. C’est cette réflexion qui a été et qui est encore l’objet de notre recherche, et constitue notre corpus.

La présentation aux autres enseignants des dispositifs mis en place pour l’exploitation de films dans les livrets pédagogiques (analysés dans la thèse), par exemple, a été pour les auteurs un moment clé de la formulation des théories didactiques qu’ils défendaient. Nous pensons qu’il s’agit là d’un premier niveau de réflexion didactologique (celui que C. Puren appelait ‘la méthode’). Elle possède des qualités scientifiques indéniables dans la mesure où elle s’appuie sur des pratiques longuement réfléchies, éprouvées par des enseignants divers dans des classes aux profils très variés, sans cesse remises en cause et améliorées, et publiées quand elles donnent pleinement satisfaction.

La réflexion de second niveau concerne la manipulation des concepts et, au-delà, des méthodologies constituées. Elle s’appuie sur des schémas de théorisation repris aux différentes méthodologies. A ce stade, on peut craindre une certaine confusion. En effet, selon la référence méthodologique que l’on prendra, la même activité de classe – un exercice structural par exemple – sera interprétée comme une activité stérile (selon la théorie communicationnelle) ou un passage obligé de la formation linguistique (méthode structurale). Une certaine objectivité sera atteinte si, d’une part, la référence méthodologique est explicitée, et d’autre part si elle est mise en perspective par d’autres types de référence tels que la psycholinguistique, la psychologie de l’apprentissage, etc., appelées à la rescousse non pour imposer un point de vue unique, mais pour fournir des aides à la compréhension des phénomènes étudiés. Pour reprendre l’exemple des exercices structuraux, nous dirons que l’appel à la psycholinguistique révélera la nécessité de la répétition pour mémoriser les mots et expressions de la langue étrangère. Mais cette mémorisation doit faire sens. L’apprenant doit comprendre précisément ce qu’il répète dans une variété de contextes qui lui sont familiers. A cette étape intervient un troisième moment d’interprétation. C’est la possibilité pour l’élève, à travers l’exercice structural, de construire sa connaissance du fonctionnement de la langue étrangère, et de coupler celle-ci à un savoir-faire automatisé. Pour cela il met en jeu une interactivité cognitive dont l’efficacité dépend de facteurs affectifs individuels et sociaux.

On comprend par ce cas de figure emblématique qu’en didactique les références théoriques sont toujours multiples et complexes. C’est ce que nous avons appelé la multiréférencialité théorique. A celle-ci s’oppose la multiréférencialité didactique qui se situe au niveau de la pratique de classe et s’explique par le recours aux objets méthodologiques (Puren), aux ‘didactèmes’ (C. Germain) les plus divers, appelés par les besoins d’apprentissage. La notion de multiréférencialité théorique se situe au troisième niveau de réflexion, pour reprendre la catégorisation de C. Puren, celui où se constitue une théorie générale de la DLC, voire une Didactique générale.

Reprenant la théorie de la complexité, C. Puren a montré en quoi la didactologie des langues se constituait en science complexe, répondant aux principes du dialogisme, de la récursivité et de l’hologrammatisme. La notion de multiréférencialité théorique s’inscrit pleinement dans ce cadre. Le même phénomène de classe nécessite une pluralité d’éclaraiges qui se recouvrent, sont causes des uns et conséquences des autres, s’influencent mutuellement dans le sens d’un renforcement ou d’une annihilation et contiennent chacun la problématique d’ensemble. Ainsi, pour reprendre toujours le même exemple, l’exercice structural qui, selon l’approche comportementale, est appelé à renforcer un apprentissage en favorisant la mémorisation, sera considéré comme un obstacle à l’apprentissage selon la théorie communicationnelle, l’approche constructiviste intervenant à son tour pour insister sur la nécessité de la réflexion cognitique, ce à quoi les neurolinguistes rétorqueront que l’ancrage mémoriel prend des voies diverses dont celle du rappel fréquent et de l’ancrage affectif, l’affectif ouvrant cette fois la voie aux explications psychanalytiques, sociologiques ou ethnologiques.


Alain Verreman
Président de la Régionale de Strasbourg