Référence : Article de Christian Puren : "Perspectives
actionnelles et perspectives culturelles en didactique des langues-cultures :
vers une perspective co-actionnelle-co-culturelle", Les Langues
Modernes 3/2002, p. 55-71.
«
…
La perspective actionnelle [ … ] considère avant tout
l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs
sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas
seulement langagières) dans des circonstances et un environnement
donnés, à l’intérieur d’un domaine
d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent
dans une activité langagière, celles-ci s’inscrivent
elles-mêmes à l’intérieur d’actions
en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification ».
chap. 3.1
Cadre commun de référence pour l’apprentissage
et l’enseignement des langues (CCRAEL),
Conseil de l’Europe, 1996-1998
Selon l’auteur de l’article, les différents cadres
de référence, dans l’histoire de la DLC, se sont
tous définis en fonction d’une conception d’ensemble
de l’usage et de l’apprentissage de ces langues. La cohérence
externe serait construite par la mise en adéquation maximale
de la fin et des moyens (actions à réaliser pour parvenir à cette
fin). La cohérence interne est forgée par la mise en
adéquation maximale de sa perspective actionnelle et de sa perspective
culturelle, ce qui donne les correspondances suivantes :
Méthode grammaire-traduction —> perspective des valeurs
Méthode active de l’explication —> perspective des
connaissances
Méthode de l’interaction —> perspective des représentations
Méthode de la co-action —> perspective des conceptions
(co-culture)
Désormais, la perspective actionnelle (PA) viendrait prendre
la relève de l’approche communicative (AC). A l’approche
communicative (méthode de l’interaction) correspondait
une perspective interculturelle ; à l’approche actionnelle
correspondra une perspective co-culturelle. La co-action ne serait
possible que dans la mise en place d’une co-culture que l’auteur
justifie ainsi :
1- Pour ‘faire ensemble’, nous ne pouvons plus nous contenter
d’assumer nos différences : il nous faut impérativement
créer ensemble des ressemblances. Pour cela, passer d’une ‘logique
produit’ à une ‘logique processus’, c'est-à-dire à une
représentation dynamique des réalités culturelles.
2- Pour l’action commune, il faut se forger des conceptions identiques,
c'est-à-dire des objectifs, des principes et des modes d’action
partagés parce qu’élaborés en commun par
et pour l’action collective.
3- Les valeurs s’acquièrent par l’action :
il n’y a de respect de l’autre que s’il y a volonté de
le respecter et les actes correspondants.
4- Quand on travaille avec des étrangers, on ne peut se contenter
de gérer les phénomènes de contact, il faut élaborer
et mettre en œuvre une culture d’action commune dans le
sens d’un ensemble cohérent de conceptions partagées,
c’est l’objet de la ‘perspective co-culturelle’.
Reprenons brièvement les domaines que C. Puren propose de « repenser » en
fonction de la « perspective co-actionnelle-co-culturelle » et
pour « mettre notre discipline en adéquation avec
le nouvel objectif social de référence » :
1- « … motivation et responsabilisation des élèves.
Selon Tardif, les élèves doivent trouver leur motivation
dans les tâches, selon la perception et la conception qu’ils
en ont ; responsabiliser, c’est définir ensemble
les valeurs du travail en commun et les conceptions communes pour le
réaliser ». Il est vrai que le travail didactique
de l’enseignant comprend la prise en compte des conceptions des élèves,
mais aussi de tout l’environnement humain et matériel.
Beaucoup d’élèves imaginent qu’il suffit
d’aller dans le pays pour apprendre la langue ‘comme par
magie’. C’est leur conception et pourtant on ne pourra
guère la prendre comme référence. D’autres
croient qu’il suffira de regarder des films, de jouer sur des
consoles en langue étrangère, etc. En fait, l’enseignant
effectue un dur travail de persuasion et tente de modifier les conceptions
de certains élèves en argumentant et en faisant appel à leurs
capacités de raisonnement. Et il tiendra compte de ce que l’environnement
peut accepter : la vidéo ou non, l’Internet ou non,
le voyage scolaire ou non, l’échange scolaire de plusieurs
semaines ou non (comment assurer les cours de maths ou de physique
durant cette période ?)
2- « En classe, professeurs et élèves réalisent
des tâches communes, ce qui n’est possible que sur la base
de conceptions communes. » Je ne crois pas que les deux
parties jouent dans la même ligue. Le professeur sait ce que
l’élève doit apprendre. L’objectif-obstacle
du professeur, ce n’est pas de découvrir le sens d’un énoncé,
mais de savoir comment s’y prendre pour que les 24 ou 36 élèves
de la classe y parviennent. Il doit y avoir de la motivation de part
et d’autre et un consensus sur la façon de travailler,
mais on ne parle plus ici de la rencontre des cultures maternelle et étrangère.
3- « Il existe de plus en plus de situations d’enseignement/
apprentissage par et pour l’action à dimension sociale :
EPLV, classes bilingues et européennes, TPE, CLES. » Il
s’agit en fait de situations très disparates dont le point
commun est de réduire la langue à apprendre à un
simple outil pour effectuer des tâches dans d’autres disciplines.
Cette étape de l’apprentissage s’appelle en fait « le
réemploi ». Elle est d’autant plus nécessaire
que le niveau de langue est élevé. Découplé du
processus normal d’apprentissage des langues, ce mode de travail
comporte un danger majeur. La qualité de la langue utilisée
n’étant pas le souci principal, on constate que des élèves
(c’est flagrant dans les sections européennes où l’enseignant
de la discipline non linguistique tolère les incorrections)
ne corrigent plus certaines fautes de langue et finissent par croire
qu’ils s’expriment correctement.
4- c’est la perspective la mieux adaptée au travail sur Internet,
dans la situation du ‘Travail collaboratif assisté par ordinateur’.
Il s’agit de pratiques nouvelles dont il conviendra d’évaluer
la pertinence quand elles seront suffisamment répandues.
La notion de co-action fait passer imperceptiblement de l’agir
avec les pairs (de même culture) à l’agir avec l’étranger,
ce qui reste une situation exceptionnelle. L’auteur propose ici
une théorie purement prospective, dans la mesure où la
réalité qu’elle prendrait en compte (la co-action-co-culture)
n’a pas encore été confirmée par le terrain,
en particulier dans l’enseignement scolaire.
1- La collaboration transfrontalière entre classes de collège-lycée
en est encore au stade de l’expérimentation disséminée,
durant laquelle chaque enseignant tente de trouver la formule la mieux
adaptée à sa situation.
2- Les classes d’immersion, dans lesquelles une partie de l’enseignement
est effectuée en langue étrangère, s’appuient
sur le principe d’homologie : c’est en parlant la
langue qu’on l’apprend. D’après les témoignages
d’enseignants en classe européenne, l’avantage de
la formule ‘Une heure hebdomadaire’ n’a pas encore été démontré.
Dans les sites paritaires, où la moitié du temps d’enseignement
est effectué en langue étrangère, les résultats
sont probants dans la mesure où les familles donnent aux enfants
la possibilité de parler la langue étrangère en
dehors de l’école. Dans ce modèle, l’accent
est mis essentiellement sur l’outil de communication ; les
enseignants ne viennent pas de l’étranger, possèdent
la même culture que les élèves et enseignent des
programmes français. La place de la culture étrangère
est réduite au strict minimum.
3- La collaboration avec une classe étrangère dépasse
rarement le stade d’une rencontre annuelle, durant laquelle les
enfants sont immergés dans la famille du correspondant et effectuent
parfois des activités communes en classe. C’est alors
l’occasion (unique) de se référer à la perspective
co-actionnelle – co-culturelle.
Critique d’ensemble des propositions de C. Puren
1- Apprendre est un acte, une action. Apprendre à plusieurs
est une co-action. On y parvient par des activités très
variées dont la conception et l’organisation sont du ressort
de la didactique.
Il me semble qu’il vaudrait mieux s’en tenir aux termes
de ‘tâches’ et de ‘tâches complexes’ pour
désigner les ‘actions en contexte social’ et ‘les
actions qu’on fait réaliser en classe aux élèves’ dans
le but de les rendre ‘capables de réaliser des actions
en langue étrangère, dans la société à leur
sortie du système scolaire’, actions dont l’ensemble
constitue ce que l’auteur appelle « l’objectif
social de référence ».
Cela (les actions) exclue-t-il la possibilité d’effectuer
d’autres types d’action celles qui ne les constitue pas ‘comme
des acteurs sociaux ayant à effectuer des tâches à l’intérieur
d’un domaine d’action particulier’ … ‘à la
sortie du système scolaire’ ? Faut-il dénier
toute valeur aux entraînements linguistiques qui ne correspondraient
pas aux tâches d’acteurs sociaux ? Le commentaire
de texte, les réponses à des questions sur un texte,
la dissertation philosophique, le commentaire de tableau, réalisés
en langue étrangère, ont toujours été reconnus
comme de bons exercices d’utilisation de la langue étrangère,
réellement formateurs. Ce sont pourtant des tâches que
peu d’apprenants ont à effectuer après leur sortie
du système scolaire. Mais ce type d’activité aura
contribué à les former dans tous les sens du terme, comme
la gymnastique forme et prépare à la danse.
2- Apprentissage ou entraînement ?
Effectuer des tâches en langue étrangère (résumer
un texte, l’analyser, le commenter, s’entraîner à réemployer
une forme grammaticale, écrire sur un sujet et l’illustrer
de photos, réaliser ensemble une œuvre – exposition,
site Internet, dossier …) c’est une action ou une co-action
dont le but indirect est la manipulation de la langue étrangère,
la correction autonome ou mutuelle, la recherche et l’emploi
d’objets de cette langue. Dans cette configuration, on ne travaille
pas de façon intensive sur un objet de langue que l’on étudie
comme des linguistes et que l’on s’entraîne un peu
artificiellement à réemployer et à mémoriser.
Au contraire, on a recours à ces objets de langue sans s’y
attarder, mais en espérant que l’emploi dans un contexte
qui fait sens, et correspond à un réel besoin d’expression,
permettra une assimilation tout aussi efficace. Ce qui n’est
pas évident. L’entraînement est réel, l’apprentissage
forcément minime. Sauf si … (s’il y a un suivi individualisé,
ou apprentissage vicariant, ou enseignement mutuel …)
3- Cependant, on peut aussi penser que la reprise fréquente,
dans des contextes de communication authentique, soit une nécessité dans
l’apprentissage durable d’une langue étrangère, à condition
qu’au départ il y ait eu une étude particulière,
intensive. C’est pourquoi l’auteur place la perspective
actionnelle au niveau 2 seulement.
4- Avec le recours à la perspective actionnelle dans le système
scolaire, ne tombe-t-on pas dans le piège de l’instrumentalisation
de la formation au profit de certains actes de la vie professionnelle,
et au détriment de la formation générale qui rend
apte à apprendre et à juger de ce que l’on veut
apprendre ? Sans l’objectif de formation générale
de futurs citoyens, avec la seule perspective actionnelle, est-il encore
nécessaire de recourir à un ‘service public de
la formation’ ? A des fonctionnaires dont la fonction, la
mission publique, (et non le service à des ‘clients’ qui
paieraient) est de donner à tous les enfants du pays une formation
générale qui les rende apte à agir en citoyens éclairés ?
S’il s’agit seulement de former ‘l’usager et
l’apprenant d’une langue étrangère’ comme ‘des
acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches dans un environnement
donné, à l’intérieur d’un domaine
d’action particulier’, la notion de formation générale
des individus ne peut être prise en compte. Ce qui ne prête
pas à conséquence pour des adultes, et peut donc être
livré aux marchands. Pour des jeunes en formation, cette perspective
n’est pas acceptable.
5- Se former est un acte individuel qui se réalise en contexte
social, mais ne vise pas directement une application sociale. La personne
qui se forme, par exemple en langues, n’utilisera pas les capacités
acquises de la même façon ni dans les mêmes situations
que le voisin de classe. C'est-à-dire que l’on peut s’autoformer
dans une langue et ensuite utiliser cette langue dans des contextes
sociaux très divers. Il n’y a pas d’homologie entre
la façon d’apprendre et la manière d’utiliser
la compétence acquise. Sinon il n’y aurait que des utilisations
scolaires des savoirs scolaires. Tous les enseignants de langues connaissent
des élèves qui n’ouvrent jamais la bouche en classe
et s’en sortent brillamment lors d’examens oraux. L’agrégé qui
ne sait pas demander son chemin dans le pays aura tôt fait de
repérer les tournures appropriées et ne mourra pas de
faim, comme certains défenseurs de l’approche communicative
ont parfois tenté de nous le faire croire.
Cela revient à dire que l’on ne peut admettre l’homologie
entre la fin et les moyens comme l’unique référence
en matière de formation et d’éducation. Tous les
soldats ne deviennent pas des assassins amoraux et les religieux ne
sont pas indemnes de péchés. L’action n’est
pas l’unique manière d’enseigner et de faire acquérir
les valeurs. Le débat, l’entretien, la persuasion, l’homélie
en sont d’autres.
6- En conclusion, il semble que la perspective actionnelle soit l’une
des finalités possibles de la formation des adultes. Mais même
pour les adultes, la finalité culturelle ou formatrice, voire
la finalité hédoniste sont tout à fait envisageables
et honorables. Dans la formation scolaire, cette finalité actionnelle
ne peut être placé qu’à un rang inférieur,
derrière la finalité principale qui est la formation
générale, culturelle et linguistique.
De ce fait, la perspective actionnelle ne peut remplacer ni l’approche
interculturelle, ni l’approche communicative qui, rangées à la
place qui leur convient, gardent leur raison d’être, c'est-à-dire
de modèles didactiques assujettis à la matrice disciplinaire
qui se sert de ces modèles selon les besoins de la formation.
Cela n’enlève rien à l’apport de la perspective
actionnelle dans la formation linguistique et générale
des lycéens, car elle rend compte à sa manière
d’une certaine approche de l’enseignement des langues, à un âge
psychologique où l’éventualité d’agir
en langues étrangère comme les autochtones, et de donner
une publication aux œuvres réalisées, peut être
une source profonde de renouvellement de la motivation pour l’apprentissage
des langues. Et ce renouvellement s’avère souvent indispensable
avec des jeunes qui n’ont connu que des formes extensives d’apprentissage
(100 heures de cours par an).
Les tâches complexes réalisées en groupes dans
le cadre du cours de langue sont l’un des outils dont dispose
l’enseignant d’aujourd’hui. Grâce aux possibilités
des TICE et de l’Internet, la préparation didactique et
la mise en œuvre de ces tâches n’alourdit pas trop
le travail du professeur et rend possible le suivi individualisé des élèves
concernés. La mutualisation des ressources didactiques, à l’échelon
planétaire (l’un des sites les plus utiles aux professeurs
d’allemand a été réalisé en Australie !)
joue un rôle important dans ce contexte. Mais la formation générale
des lycéens aurait beaucoup à souffrir de passer uniquement
par les activités d’action en groupes, au détriment
d’un pluralité d’approches qui ont chacune leur
spécificité et leur raison d’être :
communication, réflexion sur la langue, formes diverses d’aides à la
mémorisation, etc.
Une autre conception de l’action : Le parcours d’action à visée éducative
L’acte d’apprentissage peut être considéré en
lui-même comme une action. La notion d’action humaine ne
sous-entend pas inéluctablement d’action en contexte social,
sauf à prétendre que toute action humaine est sociale,
puisque l’être humain, même isolé, doit à son
entourage d’être devenu humain, comme nous l’ont
montré les exemples d’enfants sauvages. Toute action humaine
sera donc réalisée en fonction d’un entourage même
s’il est lointain dans le temps ou l’espace. C’est
pourquoi, plutôt que de tout miser sur la dimension sociale de
l’acte d’apprendre, nous proposons d’étudier
le cheminement cognitif de l’acte d’apprendre en contexte
humain, c’est-à-dire social, ce qui laisse toute sa place à la
liberté individuelle et à la responsabilité de
l’enseignant quand il agit avec des mineurs.
D’après Monique LINARD, apprendre est une activité cyclique,
un processus dynamique complexe qui résulte de l’interaction
entre dispositions des sujets et configuration des objets dans une
situation donnée. Apprendre est une forme spécifique
d’action. Se former implique de la part de l’apprenant
une volonté particulière d’auto-transformation
et la confrontation persévérante à de nombreuses
difficultés, dont celle du passage de la pensée d’action
pratique (sensorimotrice concrète) à la pensée
conceptuelle formelle. L’acte d’apprendre ressemble à un
parcours d’obstacles dans lequel chaque étape (perception
d’un état de besoin, représentation du but final, élaboration
de stratégies, mobilisation des routines, persistance du pilotage
et du contrôle, évaluation, mémorisation du parcours)
devient l’occasion d’un progrès ou d’un blocage
qu’il faut, pour chacun, accompagner par une action et/ou une
médiation appropriée.
L’action enseignante consiste alors à mettre à la
disposition de l’apprenant les diverses ressources disponibles :
celles de l’apprenant tout d’abord, celles de son environnement
humain (professeurs et pairs) et celles des TICE en les répartissant
aux divers moments du parcours d’action et d’apprentissage.
Il s’agit de faire en sorte que, par une mise en scène
didactique appropriée, l’apprenant puisse s’auto-aider
en résolvant autant que possible par ses propres moyens les
difficultés cognitives et socio-affectives rencontrées,
mais en recourant chaque fois que nécessaire aux ressources
du groupe et de son environnement.
Le parcours d’action à visée éducative
comprend alors les étapes suivantes :
- Orientation initiale de l’attention et ancrage de la motivation
- Entraînement d’initiation
- Réalisation effective de la tâche : exercices
et variantes incitant à recourir aux objets du domaine et aux
outils de manipulation (association par contiguïté et par
similarité, mise en évidence par contraste, clôture,
continuité …)
- Conceptualisation : généralisations et passages à l’abstraction,
en incitant à schématiser et à rechercher les
règles sous-jacentes par approximations successives. Ici l’intervention
directe de l’enseignant est souvent nécessaire.
- Auto-test d’évaluation et renforcement de l’acquisition
par l’entraînement avec des variantes nombreuses
- Evaluation réflexive par la mise en commun des parcours réflexifs
de chacun et des résultats obtenus.
Reste à intégrer au niveau cognitif et culturel les
nouveaux modes d’être et de faire induits par les TICE.
Ces technologies ne peuvent prétendre assurer à elles
seules la médiation psychologique et sociale qui aide les sujets à métaboliser
l’information en connaissances personnelles. Elles ont tous les
potentiels nécessaires pour se transformer en dispositifs efficaces
au service de l’activité humaine et pour soutenir les épreuves
de transformation et de construction de soi impliquées par l’aventure
d’apprendre (à condition que ces dispositifs soient assortis
d’une prise de conscience des exigences théoriques et
pratiques propres à la mise en route de l’acte d’apprendre).
On le voit, cette perspective redonne sa place à l’acte
individuel d’apprentissage en contexte social et remet en cause
le principe d’homologie entre le mode d’apprentissage et
le mode d’utilisation des connaissances. Même en langue étrangère,
les contextes d’action font appel à un ensemble complexe
de compétences humaines acquises à diverses époques
de la vie et selon des méthodes diverses. Il ne peut être
raisonnablement envisageable de les retrouver tous dans l’apprentissage
des langues. Dès lors les tâches complexes effectuées
en équipes peuvent être considérées comme
l’une des façons de se perfectionner en langue étrangère
et de remotiver les apprenants. Dans le milieu scolaire, elles s’inscrivent
dans un cadre didactique particulier, celui de la variation et de la
différenciation.
Implications sociales
Sans le chercher peut-être, l’auteur joue ‘l’air
du temps’. Il adopte le point de vue du Conseil de l’Europe
qui voudrait ne plus faire de distinction entre l’enseignement
scolaire et la formation des adultes. Les marchands s’en réjouissent,
car ils pourront assumer une part de l’enseignement scolaire,
comme ils ont pris en mains le marché juteux de la formation
des adultes. Et pour commencer, ils ont décidé s’occuper
de la préparation au ‘CLES’(Certificat en langues
de l’enseignement supérieur). L’Etat assurera les
certifications, comme il le fait déjà pour les étudiants
des universités ‘libres’.
Dans ce contexte de tendance à la marchandisation de l’école,
il est délicat de prendre « Le Cadre Commun de Référence » pour
l’appliquer à l’enseignement scolaire et de donner à celui-ci « un
objectif social » sans se soucier de l’objectif de
formation. Et si le didactique consiste à effectuer une simple
transposition des pratiques sociales de référence, par
homologie, alors on peut renoncer à la recherche en didactique
des langues-cultures et, par exemple, décider de remettre la
version et le thème au baccalauréat, puisque beaucoup
de bachelières deviendront secrétaires trilingues et
devront traduire du courrier.
Revenons à une recherche proche des réalités du
terrain et loin des idées propagées par le Conseil de
l’Europe, en tant qu’organisme politique. Ce n’est
pas à l’autorité de dire ce qu’il faut rechercher,
mais à la recherche de définir son objet. Et dans notre
domaine, le seul corpus utilisable, ce sont les pratiques de ceux qui
réussissent dans les établissements ordinaires.
Alain Verreman